Est-qu’il y a un « esprit de famille » dans votre entreprise ?

Recruter, motiver et fidéliser les collaborateurs est devenu un cauchemard pour de nombreux chefs d’entreprise.

– Pierre ne s’est pas présenté à l’entretien
– Marc a quitté son poste sans préavis
– Julie est systématiquement en retard
– …

Extrait d’une petite conversation estivale avec une dizaine d’ami(e)s qui sont chefs d’entreprise dans des secteurs différents, qui dirigent des entreprises de 25 à 2.000 personnes et qui sont âgés de 28 à 60 ans.

– Comment vont les affaires ?
– Pas facile en ce moment.

– Quel est le principal problème ?
– Le manque de personnel

– Recrutement, motivation ou fidélisation ?
– Les trois. Nous recrutons des profils moyens qui sont peu motivés et qui ne restent pas. Nous sommes tellement à court de personnel que nous ne pouvons que subir.

– Vous passez par des agences de recrutement ?
– Oui et elles nous disent que le problème est général.

– Vous avez essayé d’augmenter les salaires ?
– Oui mais dans notre secteur, les marges sont faibles et nous payons déjà bien.

– Vos donnez des primes ?
– Oui mais 15% seulement des employés sont motivés par les primes. Les autres s’en moquent.

– Et un aménagement des horaires ?
– Ça ne les intéresse pas.

– Des formations ?
– Ils n’en veulent pas.

Après quelques verres et la nuit venant, la conversation arrive sur la culture d’entreprise, les valeurs, les comportements, le rôle du manageur, le rôle du dirigeant, les différences de génération, … et l’esprit de famille.

Au final, la discussion sur l’esprit de famille est celle qui a duré le plus longtemps et qui a été la plus riche.

Comment définir « l’esprit de famille » ?

Pas facile mais tout le monde s’accorde sur l’importance de plusieurs facteurs :

– les rituels et le temps passé ensemble : repas de famille, fêtes, gigot du dimanche, la simplicité, la régularité, …

– l’amour sincère et désintéressé de tous pour tous avec un profond respect des différences et l’envie d’arrondir les angles en cas de conflits, les petits cadeaux simples (c’est le geste qui compte)

– le partage des grands événements de la vie et des petits moments de plaisir quotidiens

– la solidarité lorsqu’un des membres traverse une épreuve

– l’intergénérationnel et la mémoire des anciens, le partage des souvenirs et des anecdotes qui sont des marqueurs de l’imaginaire collectif

– la proximité avec ceux qui sont loin : prendre des nouvelles et en donner pour ne pas perdre le contact

– des membres de la famille qui jouent le rôle de piliers : le patriarche, la mama, le cousin qui dépanne tout le monde, …

– l’accueil des parties rapportées qui font partie de la famille parce qu’elles sont importantes pour un des membres de la famille

– …

L’esprit de famille existe à des degrés divers dans de nombreuses entreprises et il se pourrait bien que ce soit la clé qui débloque un bon nombre des problèmes évoqués en début de soirée.

Sommes-nous « programmés » pour laisser brûler notre propre maison ?

Derrière chaque décision se cache une motivation et derrière chaque motivation se cache un besoin. Selon Maslow, nous cherchons à satisfaire nos besoins dans un certain ordre et notre priorité numéro un est de satisfaire nos besoins physiologiques de base. Une personne affamée mettra sa vie en danger pour obtenir de la nourriture.

Le problème est que nous ne ressentons pas le besoin vital de préserver notre maison.

La plupart de nos comportements « responsables » répondent à des besoins secondaires d’estime de soi ou d’accomplissement personnel : Je trie mes ordures parce que c’est responsable, je plante des arbres parce que je me sens utile.

Au contraire, la plupart de nos comportements « irresponsables » répondent à des besoins primaires, la satisfaction physiologique et la sécurité : Je transforme la forêt en champs pour me nourrir, j’éradique des espèces pour me protéger.

Pour préserver notre planète, nous devons modifier en profondeur notre rapport au monde et reprogrammer la hiérarchie de nos besoins pour faire de la préservation de notre foyer un besoin encore plus fondamental que la satisfaction de nos propres besoins physiologiques.

Sommes-nous individuellement et collectivement capables de faire de la préservation de l’environnement le niveau « zéro » de notre pyramide de Maslow ?

En pratique, cela signifierait que nous pourrions (par exemple) accepter de ressentir la faim et la soif si c’était le prix à payer pour préserver notre planète.

Aucun animal n’est capable de cela. L’animal affamé mange sans se soucier des conséquences sur l’environnement. Mais nous ne sommes pas des animaux et notre intelligence pourrait peut-être nous permettre de reprogrammer la hiérarchie de nos besoins individuels et collectifs.

Le temps des organisations liquides

Les forces à l’œuvre dans l’économie de la connaissance exigent un changement de paradigme complet dans la manière de concevoir et de gérer les organisations. Cette révolution concerne toutes les formes d’organisation.

L’organisation hiérarchique a fait le succès des grandes entreprises industrielles. La structuration verticale associée à un degré élevé de spécialisation des tâches a permis d’améliorer la qualité, d’optimiser l’utilisation des capacités et de réduire les temps de cycle. La priorité est alors donnée à l’efficacité.

Économie industrielle :

– organisation hiérarchique
– actifs corporels
– efficacité

L’organisation matricielle est devenue le modèle dominant dans l’économie des services. Elle a permis de combiner la proximité du client et la mise en commun de ressources critiques. C’est l’époque du double rapport (hiérarchique et fonctionnel), des centres de services partagés et des processus transversaux. Sans perdre en efficacité, des synergies sont recherchées.

Économie de service :

– organisation matricielle
– immobilisations incorporelles
– synergies

L’économie de la connaissance s’est imposée avec la révolution numérique. Aujourd’hui, les entreprises doivent maintenir leur efficacité et optimiser les synergies, mais elles doivent aussi et surtout être agiles pour détecter et saisir rapidement les opportunités. L’intelligence collective devient l’atout majeur.

Économie de la connaissance :

– organisation liquide
– actifs numériques
– agilité

Chaque modèle organisationnel possède son propre système de gestion par objectifs :

– Hoshin Kanri : organisation industrielle
– Tableau de bord prospectif : organisation matricielle
– Objectifs et résultats clés : organisation liquide

On parle de nouveau paradigme lorsque l’on change profondément les idées et les mots utilisés pour analyser et optimiser un système. Le nouveau paradigme doit conserver les avantages du précédent tout en répondant à des exigences nouvelles et radicalement différentes.

Vouloir utiliser un système de gestion qui a été conçu pour une opération matricielle ne peut pas fonctionner avec une organisation liquide. Aujourd’hui, il est anachronique de vouloir être agile tout en conduisant la stratégie avec des cartes d’objectifs.

Lorsqu’il existe une disjonction entre les forces de l’économie, le modèle organisationnel et le système de gestion, l’entreprise est non seulement incapable de répondre aux nouveaux défis (agilité) mais elle finit par perdre ce qui faisait sa force :

– Les synergies disparaissent.
– L’efficacité s’effondre.
– Les employés sont désorientés.
– Les risques psychosociaux explosent.
– Les meilleurs talents partent.
– Les entreprises disparaissent.

Changer de paradigme est très difficile car cela nécessite un changement de vision, de culture, de valeurs, de comportements, de processus et d’outils.

Peu de dirigeants en sont conscients et encore moins en sont capables. La destruction créatrice fait le tri.

Être compétitif dans l'économie de la connaissance

Monter d’un échelon quand on est performant dans son job semble naturel et pourtant …

Être bon dans son job n’est en rien une garantie de succès dans le job du N + 1. Un bon commercial ne sera pas systématiquement un bon directeur commercial et un bon développeur ne sera pas toujours un bon directeur technique.

Plus intéressant : la réciproque est également vraie.

Un bon directeur commercial n’a pas nécessairement besoin d’être (ou d’avoir été) un bon commercial et un bon directeur technique n’a pas nécessairement besoin d’être (ou d’avoir été) un bon développeur.

Il y a même des effets très positifs à nommer manageur une personne qui n’est pas capable de faire le travail des personnes qu’elle encadre.

L’expérience montre en effet que dans ce cas:

▪️L’engagement individuel augmente car les collaborateurs ne peuvent pas se reposer sur le chef pour savoir quoi faire.

▪️Le partage des connaissances augmente au sein de l’équipe : si mon chef n’a pas la réponse, je me retourne vers mes pairs.

▪️La créativité augmente à la fois dans la façon de penser les objectifs et de les atteindre.

Ne pas nommer chef le plus performant de l’équipe offre également d’autres avantages :

▪️La notion de performance n’est plus liée à la notion de promotion. On peut donc être performant et reconnu pour sa performance sans gravir les échelons. C’est ainsi qu’on valorise les carrières techniques et les métiers à fortr expertise.

▪️La compétence métier de l’équipe augmente car les meilleurs ne quittent pas l’équipe pour « faire carrière ». L’expérience collective est maintenue.

▪️Beaucoup de collaborateurs qui sont « promus » regrettent de ne plus avoir le temps de faire ce qu’ils aimaient faire dans leur job précédent. Être promu n’est pas automatiquement une expérience positive pour le collaborateur lui même.

▪️Nommer un manageur en dehors de l’équipe donne beaucoup plus de liberté dans le choix du manageur et cette diversité peut augmenter considérablement la performance de l’équipe : un œil neuf, des questions candides, une expérience différente, …

▪️Ça élimine également les problèmes de frustration et de jalousie.

Bien entendu pour que ce raisonnement s’applique, il ne faut que les attributs de pouvoir et de reconnaissance soient cohérents.

Si le N+1 est systématiquement mieux payé que les personnes qu’il encadre alors tout le monde voudra devenir chef pour gagner plus.

Pourquoi donner au Directeur Commercial une voiture de fonction plus luxueuse que ses commerciaux ?

▪️C’est un élément de motivation ? On revient dans l’écueil précédent !

▪️C’est une question de statut quand il va chez les clients ?

Dans ce cas, cela signifie que l’image externe que l’on véhicule est que le manageur est plus important que le technicien … ce n’est pas forcément positif vis-à-vis du client (mettre en valeur ceux qui font est souvent plus positif) et vis-à-vis du technicien (il faut être cohérent dans les messages internes et externes).

8 personnes sur 10 avouent ne pas connaître ou comprendre la stratégie de leur entreprise

Et 90% de voient pas comment leur travail contribue à la réalisation des objectifs stratégiques de l’entreprise.

Les conséquences sont nombreuses :

– échec des projets de transformation
– désengagement des collaborateurs
– instabilité de la valorisation en bourse
– …

Il faut dire que le champs de la pensée stratégique s’est progressivement réduit pour devenir, selon la définition la plus commune, « un ensemble d’actions coordonnées, d’opérations habiles, de manœuvres en vue d’atteindre un but précis ».

Avec ce genre de définition, lasser ses chaussures devient de la stratégie !

Pour développer une pensée stratégique solide, il faut se concentrer sur le temps long et sur les actifs stratégiques, ces atouts distinctifs qui permettent de choisir et gagner des batailles décisives.

Les actifs stratégiques sont longs à construire et chers à acquérir. Ils sont matériels (une usine, une concession, une machine critique, …) et immatériel (une marque, un brevet, une concession, une culture d’entreprise, …).

Les actifs stratégiques peuvent perdre très rapidement leur valeur : une culture endommagée par une mauvaise acquisition, une usine qui brûle, une marque qui s’effondre après un scandale, une concession qui est remise en question après un changemement politique, …

La stratégie globale de l’entreprise consiste à trouver la meilleure allocation de ressources sur ses différentes classes d’actifs pour exécuter dans la durée sa mission. L’expérience montre que le saupoudrage des ressources est la pire des stratégies.

Pour développer et déployer la stratégie de l’entreprise, il faut organiser les responsabilités par classes d’actifs :

– au DRH, les compétences critiques
– au CIO, les données sensibles
– au CFO, la confiance des investisseurs
– …

Chaque domaine fonctionnel doit développer une feuille de route claire sur plusieurs années qui explicite les moyens qui seront alloués pour développer et maintenir le portefeuille d’actifs stratégiques qui relèvent de son domaine de responsabilités.

L’art et la science de définir des OKRs efficaces

Comment trouver le bon équilibre entre les modes directif et participatif ?

Lorsque l’on utilise la méthodologie OKR pour déployer des objectifs stratégiques, le cycle commence avec le président qui définit les 3 à 5 objectifs clés de l’entreprise :

– Développer nos activités en Asie
– Réduire les accidents sur le chantier
– Améliorer notre rentabilité
– …

Chaque objectif (qualitatif) est ensuite complété par 1 à 3 résultats clés (quantitatifs).

Par exemple, nous voulons nous développer en Asie et dans les 3 prochains mois, nous voulons que notre chiffre d’affaires mensuel dans cette zone passe de 20 à 30 millions d’euros.

Les objectifs fixés par le Président sont ensuite déclinés en sous-objectifs et délégués aux N – 1 du Président. L’exercice est répété à tous les niveaux de l’entreprise.

Lorsque ce processus est appliqué, les OKR de tous les employés sont alignés à 100% sur les objectifs fixés par le président. Nous parlerons ensuite des objectifs globaux.

Mais dans la pratique, chaque manager doit également être capable de mobiliser des ressources sur des objectifs non globaux (directement ou indirectement liés aux objectifs fixés par le Président).

– Reconstruction d’une usine incendiée

On parlera alors d’un objectif local pour le manager.

Lorsque le manager définit un objectif local et délègue les sous-objectifs, les employés concernés contribuent à un objectif qui n’est ni global ni local (pour eux). C’est ce qu’on appelle un objectif hybride.

Un employé peut ainsi se retrouver avec des objectifs globaux (liés aux objectifs du président), hybrides et locaux.

Le facteur (%) d’alignement des objectifs (globaux) d’un employé peut être facilement calculé en divisant le nombre d’objectifs « globaux » par le nombre total d’objectifs. On peut également calculer l’alignement global d’une BU ou de l’ensemble de l’entreprise en faisant la moyenne de ce facteur pour tous les employés de la zone.

Ce facteur (%) est un indicateur très révélateur du style de gestion de l’entreprise.

Un facteur supérieur à 75% indique un alignement très fort de tous les employés sur les priorités globales de l’entreprise. C’est un cas de management très directif, qui peut être indispensable pour gérer une transformation très rapide et profonde de l’entreprise.

Un facteur inférieur à 25% indiquera une forte décentralisation des objectifs et un style de gestion très participatif, ce qui est généralement caractéristique des entreprises où l’excellence opérationnelle prime sur la réalisation des objectifs stratégiques à long terme.

Du point de vue de la gestion, il est intéressant de noter que ce facteur peut facilement être contrôlé. Il suffit de fixer un objectif global d’alignement au début du cycle. Exemple : chaque employé doit avoir entre 3 et 5 objectifs et un minimum de 65% d’objectifs « globaux ».